• Au début du 3ème siècle, le roi de Silène, en Lydie, toucha un jour le fond du désespoir. Un dragon ravageait ses terres depuis ce qui semblait être une éternité et avait dévoré tous les enfants du royaume. Il ne lui restait plus que sa propre fille à lui offrir pour apaiser sa faim.

    Le monstre - un énorme dragon à la longue queue sinueuse, au corps recouvert d'écailles de crocodile vert olive – avait surgi des immenses marécages de Silène des années auparavant et avait aussitôt semé la dévastation, en répandant sur la contrée des nuages de vapeur pestilentielle qui rendaient aveugles tous ceux qu'ils touchai net,
    Pour essayer de sauver leurs récoltes, les paysans de la région l'avaient pendant longtemps nourri en lui offrant quotidiennement deux moutons, Mais un jour, ils n'avaient plus eu de mouton, et le dragon avait recommencé à détruire leurs cultures avec son haleine empoisonnée, Le roi, ne sachant plus que faire et espérant qu'un miracle viendrait bientôt le débarrasser de la bête, avait consenti à ce qu'un enfant lui soit livré chaque jour pour apaiser son insatiable appétit.

    Mais les semaines puis les mois s'écoulèrent sans qu'aucun miracle se produise. Et le jour fatidique arriva où, tous les enfants du pays ayant disparu, le roi dut consentir à sacrifier sa propre fille, la princesse Alcyone, Un matin, elle fut attachée à un pieu en bois, à proximité des marais, et livrée sans défense à l'horrible créature. En l'abandonnant ainsi, ni le roi ni ses sujets atterrés ne pouvaient imaginer que le miracle pour lequel ils avaient tant prié était sur le point de se réaliser,,,
    Alcyone était liée a son poteau depuis quelques minutes quand un grondement terrifiant se fit entendre. Croyant sa dernière heure venue, elle pâlit de frayeur, mais s'aperçut bientôt que le bruit venait de la plaine qui se trouvait derrière elle, et non des marécages auxquels elle faisait face.
    Tournant la tête pour découvrir l'origine de ce bruit, elle vit un chevalier de haute taille, portant une armure au plastron orné d'un croix écarlate. Il avait mis pied à terre et se dirigeait vers elle, brandissant une longue lance et un bouclier arbitrant également une croix rouge.
    La princesse lui expliqua rapidement à quel horrible sort elle était promise, et le chevalier lui révéla en quelques mots qu'il s'appelait Georges, qu'il était né en Carppadoce, dans l'est de la Turquie, et qu'il avait servi dans l'armée romaine avant de se convertir au christianisme. Depuis sa conversion, ajouta-t-il, il se consacrait au service de Dieu, répandant Sa parole partout où il passait.

    Incarnation du Mal, le dragon représentait tout ce qu'il s'était juré de combattre et d'anéantir, aussi, sans écouter les protestations d'Alcyone, qui le pressait de s'enfuir tant qu'il le pouvait encore, la détacha-t-il vivement et demeura-t-il auprès d'elle, prêt à affronter son monstrueux adversaire. Il n'eut pas à attendre bien longtemps. Brusquement, un long cou reptilien surmonté d'une tête énorme se dressa au-dessus des roseaux, puis la bête s'avança, révélant un corps massif, porté par quatre solides pattes, et une queue interminable qui battait furieusement l'eau.
    Au cours de ses nombreux voyages dans des contrées assez étranges, Georges avait vu toutes sortes de créatures sinistres et maléfiques, mais aucune ne lui avait jamais inspiré autant de dégoût que le dragon de Silène. Couvert d'une écume nauséabonde qui ruisselait sur ses écailles d'un vert livide, le monstre ressemblait à une énorme masse de viande putride. Détournant la tête pour se préserver de la vue et de l'odeur d'une telle horreur, mais bien déterminé cependant à la faire disparaître de la surface de la Terre, Georges leva sa lance et était sur le point de la plonger dans la gorge du dragon, quand deux ombres situées à la base du cou de la bête et qu'il n'avait pas encore remarquées se déplièrent soudainement devant lui.
    Un instant plus tard, le chevalier se trouva pris dans un tourbillon de yeux enflammés. Partout où il regardait, il les voyait luire et le fixer sans ciller, captant implacablement son attention et son énergie. Mobilisant toutes ses forces, il leva de nouveau le bras et enfonça son arme au lieu de cette sarabande infernale. Un cri terrible déchira l'air, et les yeux disparurent aussi soudainement qu'il étaient apparus.
    Sortant enfin de sa torpeur passagère, Georges vit le monstre gisant sur le sol, toujours vivant mais mortellement touché, la lance fiché dans sa nuque. Son corps inanimé était recouvert, comme par un nuage, de deux ailes membraneuses immenses, portant les taches brillantes, pareilles à des yeux, qui avaient failli l'hypnotiser. Avec l'aide d'Alcyone, il attacha très solidement le dragon à son destrier, puis tous deux regagnèrent le château royal en traînant le monstre derrière eux.

    Le roi et ses sujets, ne se tenant plus de joie à la vue de la bête malfaisante enfin prisonnière, promirent de se faire baptiser sur-le-champ et de se convertir au christianisme si le jeune homme consentait à tuer leur ennemi. Georges décapita alors la créature qui les avait si longtemps terrorisés, puis après avoir pris congé de la princesse, il reprit la route aventureuse qui devait le conduire un jour au martyre.
    Des siècles plus tard, il fut adopté par une armée de croisés comme le patron de leur nation et devint alors le saint protecteur de l'Angleterre.

    Source: Les dragons Histoire, mythes et représentations; Par le Dr Karl Shuker et préface de Desmond Moris; au édition Solar

     
     
     
     
     

        

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